#ChallengeAZ : Y comme Y a du bruit dans la forge

Sur des billets précédents, plusieurs fois, j’ai évoqué le métier de cloutier qui non seulement a été celui de Claude Samuel mais a été, aussi, celui de son père.

J’ai décris leurs costumes et leurs habitudes alimentaires. Il est temps de présenter, maintenant, l’activité qui a accompagnée Claude, jusqu’à la fin de sa vie.

 

Les outils

Le premier des outils est la forge. C’est un petit ouvrage de maçonnerie d’environ 1 mètre de haut sur lequel on faisait se consumer du charbon. Pour augmenter la température, le cloutier utilisait un soufflet relié à la forge par une tuyère qui débouchait en son centre et qui permettait d’attiser le feu. Le soufflet était sûrement l’élément le plus cher de la forge. Il n’était pas rare, malheureusement pour le cloutier, que les rats endommagent cet instrument. La forge était similaire à celle des forgerons.

Le cloutier utilisait un pique-feu pour attiser le feu mais aussi pour le nettoyer en mettant les mâchefers dans le cendrier situé au dessous de l’ouvrage.

L’enclume du cloutier ne ressemble pas à celle des forgerons, elle est constituée de plusieurs parties :

  1. L’étapou
  2. Le pialou
  3. La clouyère ou cloutière (partie mobile)
  4. La tranche
  5. La souche qui pouvait être en bois, en pierre ou en fonte.
  6. L’étampe et le grillon (non visible sur le croquis ci-après et qui se situe sous la clouyère entre l’étapou et le pialou).

 

enclume et marteau

Enclume (Mairie-Sorbiers.fr)

 

Le marteau du cloutier, lui aussi, est différent des marteaux utilisés dans les autres forges. Il possède un manche court et a une forme coudée. Les marteaux, les plus fréquemment utilisés, pèsent environ 1 kilo. On en voit deux exemplaires sur le croquis au dessus.

Le fer servant à faire les clous se présente en tige ou verge.

Le cloutier utilise aussi d’autres petits outils comme des pinces ou des tenailles.

 

Fabrication des clous

Albert Boissier  décrit la fabrication des clous ainsi  :

Le cloutier prend sa barre de fer et martèle à grands coups la jambe du clou sur le pialou. Puis, il dresse et affile les quatre faces de la jambe du clou sur le pié d’étape (étapou).

Il pose ensuite l’extrémité de la barre sur la tranche, en laissant la longueur de fer voulue, puis l’entaille aux trois quarts et, d’un léger coup de main vers le bas, la coude à l’équerre.

Il enfonce ensuite la jambe dans le trou carré de la clouyère, d’un coup de poignet casse et détache le clou de la verge et martèle la tête du clou en quelques coups rapides, selon la forme qu’il veut obtenir.

Quand la tête est forgée, il donne un léger coup de marteau sous le ressort (grillon); au dessous du trou de la clouyère, un goujon chasse la jambe du clou vers l’extérieur et le clou forgé, par une trajectoire bien calculée, saute dans la poêle.

Il explique qu’un cloutier pouvaient faire jusqu’à 4000 caboches par jour.

Les cloutiers pouvaient faire plusieurs sortes de clous qui se différencient par leurs tailles ou par la forme de leur tête. À chaque clou correspond un clouyère, c’est pour cette raison que cette pièce de l’enclume est mobile, afin d’en changer régulièrement.

Quelques exemples de clous fabriqués à Saint-Ferréol :

Clous

 

Relation avec les marchands de clous

Mon arrière-grand-père, Claude Samuel et ses fils travaillaient pour mon autre arrière-grand-père, Hugues Alexandre qui était marchand de clou.

Le marchand de clous avait deux rôles : il organisait la production et assurait  la vente des clous.

Dans l’organisation, il fournissait le fer au cloutier, en général par fagots de 25 kilos de verges de fer. Les artisans transportaient ces tiges la plupart du temps à dos d’homme, les plus chanceux avait un âne ou une carriole pour effectuer le transport.

Sur ces 25 kilos, le cloutier devait en fonction des clous fabriqués, rendre 20 kilos au marchand. Quand il ramenait sa production, le marchand prélevait un impôt. Tous les 125 clous, il en récupérait 5 pour lui. Cet impôt injuste était mal vécu par les cloutiers. Ils se sentaient odieusement exploités et cette rancœur était encore présente chez leurs descendants.

J’ai entendu plusieurs fois mon grand-père dire à ma grand-mère :

Ton grand-père (Hugues Alexandre) a tué au travail mon grand-père et mes oncles.

Les cloutiers n’osaient rien dire face à cette injustice de peur de perdre leur travail. Le marchand leur disant : c’est à prendre ou à laisser.

Si le cloutier se débrouillait bien, il pouvait faire plus de 20 kilos de production et ce surplus lui revenait entièrement.

 

Condition sociale et évolution des cloutiers

Il est difficile de se faire une idée sur la condition sociale des cloutiers, tant il y a de disparité entre eux.

Il y avait tout en haut de l’échelle sociale le marchand de clous. Après l’exercice des cloutiers étaient très différents, entre ceux qui exerçaient ce métier à plein temps, ceux qui avaient une autre activité à côté comme les travaux agricoles, les métallurgistes, les mineurs et même les épiciers… Ils étaient libres de choisir combien de temps, ils désiraient travailler par jour contrairement aux employés des usines ou des mines. Souvent ils avaient besoin du travail dans la passementerie de leur femme pour compléter un bien maigre revenu.

Les témoignages peuvent être trompeur comme celui d’un instituteur M. Gazot à Fraisses (Loire) en 1905 :

Le salaire journalier du cloutier variait entre 5 F et 6 F, chiffre élevé pour l’époque.

De plus, le cloutier gagnait largement sa vie, son travail lui assurant un salaire suffisamment rémunérateur pour subvenir à tous les besoins de sa famille et aux siens.

Ce témoignage était contredit par celui de J.B Bravard en parlant d’une délibération du conseil municipal :

Qui accorde la gratuité de l’école à 8 enfants, tous fils de cloutier et dits « indigents ».

 

Quand Claude Samuel pris cette activité à temps plein, la clouterie a, depuis quelques années, entamé son déclin.

Au milieu du 19ème siècle, l’attrait de la métallurgie et de la mine, associés à l’apparition de la clouterie mécanique vont entrainer une diminution des effectifs chez les cloutiers. À Firminy et Fraisses, il ne reste pratiquement plus de cloutiers au début du 20ème siècle.

À Saint-Ferréol, l’activité conserve encore une certaine vigueur jusque dans les années 1950. Puis comme dans les communes voisines, la clouterie artisanale va disparaitre complètement dans les années 1970.

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